Americium
Au Nouveau-Mexique, un collectif affronte le racisme environnemental engendré par la recherche nucléaire et l’exploitation minière d’uranium. Luttant contre les récits gouvernementaux qui dissimulent cette réalité dans les musées et les sites touristiques, des femmes refusent d’être réduites au silence.
Parce qu’histoire et paysage ont toujours été, dans le cas des États-Unis, plus ou moins synonymes, et que Théodora Barat le sait pour en avoir pris la mesure dans un précédent film (Pay-Less Monument, en 2019), Americium part chercher des strates de temps dans l’immensité d’un décor. Le décor : les grands plateaux désertiques du Nouveau-Mexique, paysage de western à perte de vue, à peine changé depuis la conquête de l’Ouest. L’histoire : celle de l’âge nucléaire qui y est né avec les premiers essais du projet Manhattan, et dont les implications mondiales sont bien mieux connues que celles, locales mais non moins révélatrices, auxquelles s’intéresse ici la cinéaste. C’est que, muselée une première fois par l’ampleur universelle de la question atomique, cette tragédie l’a été une seconde fois, et continue de l’être, par un rigoureux mécanisme de propagande. Ainsi Americium a vu et rapporte deux choses, dans cet ordre : d’abord la légende, ensuite les faits. La légende est celle que colportent, sur place, les différents musées et sites touristiques où se pressent des visiteurs à qui l’histoire du nucléaire est racontée sur l’air patriotique du génie national. Les faits, patiemment racontés dans le second temps du film par deux résidentes qui militent pour les faire connaître, et réclamer justice : le désastre sanitaire causé par les essais nucléaires et l’extraction d’uranium, sur des populations d’autant plus facilement ignorées qu’elles étaient, et sont toujours, majoritairement autochtones ou de culture mexicaine. Connu dans son principe, le revers funeste du mythe américain n’a décidément rien épargné : nul paysage, pas le moindre désert.
Jérôme Momcilovic
Lire l’entretien avec Théodora Barat
Née en 1985 en région parisienne, Théodora Barat est plasticienne et cinéaste. Elle a étudié aux Beaux-Arts de Nantes avant de rejoindre le Fresnoy – Studio National des Arts Contemporains et a été résidente à la Villa Médicis l’année dernière. Elle est aujourd’hui enseignante aux Beaux-Arts de Nantes.
Son travail, autour de la sculpture et de l’installation vidéo, a été présenté à la Nuit Blanche (Paris), au Cneai (Paris), à l’Emily Harvey Foundation et à l’Elizabeth Foundation for the Arts (New York), à la Friche de la Belle de Mai (Marseille), à Mains d’Œuvres (Paris), à Glassbox (Paris), au CAC Vilnius (Lituanie), ainsi que dans la programmation vidéo du Palais de Tokyo.
Elle a réalisé deux précédents documentaires en 2018 (Pay Less Monument, tourné dans le New Jersey, USA et lauréat de l’Audit talent award 2016) et en 2021 (Off Power, tourné à Hong Kong), tous deux sélectionnés à Cinéma du réel.