Soundtrack to a coup d’état
Avec l’indépendance du Congo en toile de fond, le film associe vague d’indépendance africaine, mouvement des droits civiques aux États-Unis et guerre froide, avec l’arme la moins conventionnelle des États-Unis : le jazz.
Jazz et politique s’entremêlent dans le nouveau film de l’artiste Johan Grimonprez (auteur de Dial H-I-S-T-O-R-Y, 1997), qui documente un épisode international complexe et trouble de la guerre froide et de la décolonisation. À travers un montage galvanisant d’archives nombreuses, ce récit particulièrement dense et fouillé raconte notamment comment des musiciens tels que Louis Armstrong ou Nina Simone furent envoyés à travers le monde par des façades de la CIA pour distraire l’opinion publique des manœuvres secrètes pour contrecarrer l’union des nations africaines nouvellement indépendantes. Il raconte comment une force de paix telle que l’Organisation des Nations Unies est devenue un agent de déstabilisation après l’entrée de seize nations africaines qui rééquilibrait le rapport de forces en faveur de l’idée d’États Unis d’Afrique autour de la figure de Patrice Lumumba. La recherche de Grimonprez s’ancre dans l’accord secret passé entre Churchill, Eisenhower et l’état belge sur une option sur tout l’uranium découvert dans les mines congolaises, nécessaires au maintien de la dissuasion nucléaire américaine. Concrétisée trois jours avant l’indépendance du Congo par la privatisation de l’Union minière du Haut-Katanga, elle a mené à l’assassinat de Lumumba. Cette histoire de la remise en cause de l’autodétermination africaine est racontée du point de vue d’Andrée Blouin, militante des droits des femmes et politicienne de la République centrafricaine, du diplomate irlandais Conor Cruise O’Brien, de l’écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane et de Nikita Khrouchtchev.
Antoine Thirion
Lire l’entretien avec Johan Grimonprez
Les projets de conservation de Johan Grimonprez ont été exposés dans des musées du monde entier, notamment au Hammer Museum de Los Angeles ; la Pinakothek der Moderne, Munich ; et le MoMA. Ses œuvres font partie des collections du Centre Georges Pompidou, du Musée d’art contemporain du 21e siècle, Kanazawa et de la Tate Modern, Londres. Ses longs métrages incluent Dial H-I-S-T-O-R-Y (1997, en collaboration avec le romancier Don DeLillo, sélectionné par le Guardian comme l’une des « 30 grandes œuvres de l’histoire de l’art vidéo »), Double Take (2009, en collaboration avec l’écrivain Tom McCarthy) et Shadow World (2016, en collaboration avec le journaliste Andrew Feinstein).