Capture
Cihan est un ancien prisonnier politique kurde de Turquie. Le quotidien qu’il mène aujourd’hui en France ne laisse pas présumer l’ampleur des mésaventures traversées à ses vingt ans, dont le film fait le récit.
Le gouffre qui sépare le présent apparemment banal de son personnage et un épisode tragique de son histoire, Jules Cruveiller ne cesse de le réactualiser par le dispositif de Capture, où deux récits se déploient en parallèle. À l’image, un couple de comédiens et leur petite fille filmés dans leur vie quotidienne ; au son, un récit aux airs de conte relatant le passé de Cihan. Dans un jeu d’échos plus ou moins directs, les scènes commentent le texte de façon directe ou oblique, prolongeant la puissance d’évocation de la parole. Les images mentales pullulent, renvoyant à l’expérience d’un homme incarcéré pendant plusieurs années, forcé de convoquer un monde absent par l’imagination. Jules Cruveiller ne cherche jamais à donner l’illusion d’une plénitude, car ce qui l’intéresse est justement cette brèche dans une vie, et la façon dont la fiction s’y est infiltrée. Celle d’abord que la justice turque a dû produire pour incarcérer puis condamner sans preuves celui qui était alors étudiant à onze ans et demi de prison ferme. Celle aussi que la population et les médias de Turquie ont créée pour lutter contre cette injustice, façonnant un Cihan davantage à même d’émouvoir les foules. Le cinéaste prend acte de ce devenir-fiction en convoquant les comédiens sur lesquels nous projetterons le récit, tandis que le protagoniste réel reste drapé de mystère. Au-delà de l’histoire extraordinaire dont il constitue une archive, le film touche à une vérité universelle : la coexistence en nous de plusieurs existences, qui doublent notre présence au monde d’invisible.
Olivia Cooper-Hadjian
Diplômé de l’École d’Arts de Cergy, Jules Cruveiller développe une pratique valorisant une dimension expérimentale et artisanale du cinéma. Il s’est engagé dans le fonctionnement et la programmation du Cinéma La Clef lors de son occupation de 2019 à 2022. Il a notamment montré ses films au Bal et a participé à diverses expositions collectives. Il reçoit en 2018 le Grand Prix André S. Labarthe au festival Côté Court de Pantin, pour son film de fiction, Fuite.
Les Films Hatari
Jules Cruveiller
Jules Jasko / Jules Cruveiller
Jules Cruveiller
Antoine Wilson
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