Air Base
Le titre fait référence à un étang de Wuhan, en Chine, que les pêcheurs locaux fréquentent, mais où ils ne peuvent attraper aucun poisson. Le film traite des comportements étranges d’individus dans les espaces publics et de leurs luttes internes.
Après un premier long-métrage mis en scène comme une visite du zoo de Toronto au Canada où il réside, Luo Li a tourné ses trois suivants, dont Emperor Visits the Hell (2012) et Li Wen at East Lake (2015), à Wuhan où il a grandi, avec les amis et la famille qu’il y a laissés, composant avec eux des récits complexes et ludiques à cheval entre le réel, la fiction et le mythe. C’est à Wuhan que se déroule encore ce nouveau film, dans une ville désormais connue comme lieu d’origine d’une pandémie. Le virus n’y est jamais directement évoqué, mais il flotte évidemment dans l’air, et jusque dans son titre dont la tonalité militaire n’est une plaisanterie qu’en partie. La base aérienne qu’il désigne est en réalité un étang où les amis de Li, passionnés de pêche à la ligne, n’attrapent en général que du vent. Cet écosystème rappelle l’omniprésence de l’eau, des quais et des différentes scènes de nature qui bordent les berges de ses précédents films, coulant comme des rivières malléables où des éléments récurrents entrent en perpétuelle recomposition. Mais il en est précisément la version enclavée, contrôlée, contenue. La ville devient la projection à grande échelle de cette base ; sa forme se réverbère dans celle d’un damier, d’une horloge, d’une roue de vélo, d’un frisbee, d’un manège, d’une amnésie, d’une incarcération. Pris dans cette cage invisible, les personnages en viennent à conduire des actions intrigantes et poétiques, à régler le flot des voitures et des passants comme des chefs d’orchestre, à mener une enquête de terrain pour recueillir les soupirs de la population, ou à dessiner sur les murs de mystérieux hameçons. L’image d’un balai dévalant un escalator rappelle celle, évoquée dans I Went to the Zoo the Other Day (2009), d’un oiseau en vol dans une cage en chute libre. Qui peut dire si nous sommes libres ou captifs, si nous volons ou si nous tombons ?
Antoine Thirion
Luo Li
Cinéaste indépendant, il est né et a grandi à Wuhan, en Chine. Il a étudié la production cinématographique et obtenu une maîtrise en beaux-arts à l’université York de Toronto, au Canada.
Depuis 2005, il a réalisé des courts métrages expérimentaux et des longs métrages documentaires et de fiction.
Son premier long métrage est I went to the zoo the other day (2009). En 2010, il réalise Rivers and my father, puis Emperor Visits the Hell (2013) et Li Wen at East Lake (2015). Les œuvres de Li ont été récompensées et projetées dans des festivals internationaux, notamment le Festival international du film de Rotterdam, et le Festival international du film de Hong Kong. En 2015, la cinémathèque du Festival international du film de Toronto (TIFF) a présenté la série rétrospective « You Can’t Go Home Again – the Films of Luo Li », qui a mis en valeur la plupart de ses œuvres.
Luo Li
Ren Jie
Yang Han, Zi Jie
Luo Li
Luo Li