Je suis la nuit en plein midi
Les Ensembles Résidentiels Fermés prolifèrent à Marseille, illustration d’un phénomène de repli et d’entre soi. A cette folie on rêverait d’opposer celle de Don Quichotte. Et s’il lui venait l’idée, flanqué bien sûr d’un fidèle écuyer, de traverser cette ville dérobée dans un geste chevaleresque qui restaure son imaginaire ?
Don Quichotte, épris de son désir de changer le monde,, décide de remonter Marseille du sud vers le nord. Accompagné de Sancho campé sur son scooter, Don Quichotte ira sur son cheval par les traverses de cette ville ségréguée aux portes semble-t-il infranchissables. Remarquable chevalier fou donc, issu d’un autre temps et sans doute d’un autre monde. Pratique pour passer les portails des voies privées dressées dans le sud : celles qui rassurent les bourgeois, mais aussi les barrières levées du nord : celles qui servent aux contrôles des fours et autres points de deal. Les portes des uns, les portes des autres : fermer le monde semble d’abord être un mouvement commun au sein de cette ville polarisée bâtie sur l’enclavement pour principe et l’assignation pour mode d’existence. C’est avec la séparation du monde comme question-guide que Don Quichotte et Sancho bravent la ville. Armés d’une folie capable de géniales incidences sur le réel, ils provoquent des situations qui réunissent et les mènent vers les gens. Suivant l’instinct de bande et entrant par chaque porte ouverte, les deux compagnons vont vers des rencontres de plus en plus profondes. La logique des bastions vacille, les lieux clos se réinventent en passages, pour que la ville elle-même se recompose, s’agrège différemment. C’est là que le film accomplit son mouvement : sans chercher à résoudre les paradoxes que ses personnages rencontrent, il permet à cette ville, qui a beau fermer ses portes, de pouvoir dire oui à tout. Au bout du chemin, s’il en est un, on n’en saura peut-être pas beaucoup plus sur Marseille, berceau de contrastes et de contradictions, mais percer cette ville de ce projet fougueux vient combler les béances intimes et assemble un film plein de sa discontinuité.
Clémence Arrivé Guezengar
Gaspard Hirschi
Né à Paris en 1978. Après des études de littérature et de philosophie, il rejoint le Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, puis travaille sur de nombreux tournages de film de fiction à divers postes techniques. Il réalise son premier long métrage documentaire en 2012. Il vit à Marseille depuis 2007.
Les Films de l’œil sauvage
Gaspard Hirschi, Aurélien Py
Jean Baptiste Valsecchi, Emmanuel Germond
Gaspard Hirschi, Catherine Catella
Jean-Baptiste Valsecchi
Les Films de l’œil sauvage / diffusion@oeilsauvage.com