1 rue Angarskaia
Le 24 février 2022, je me suis réveillé dans mon appartement parisien : l’Ukraine est envahie à grande échelle par la Russie. Dix mois plus tard, je traverse l’Ukraine jusqu’à Dnipro, la ville où j’ai grandi, à une centaine de kilomètres du front, pour essayer de retrouver les souvenirs de ma vie passée.
Pour Rostislav Kirpičenko, aller faire un film en Ukraine est un trajet sans grandes figures, sans grand narratif, c’est simplement prendre la route du retour à l’enfance. Faussement simple bien sûr, parce que c’est la guerre, et qu’en allant vers son passé, le cinéaste traverse un présent tellement inquiet qu’il lui souffle déjà à quel point sans doute, le futur ne lui appartiendra plus. Il ne reconnaît pas les rues, les visages, ici les choses changent profondément, les disparitions sont trop lourdes et nombreuses. Quel lien reste-t-il entre le cinéaste et son pays ? À quoi ces gens qui se retrouvent dans ses cadres se sont habitués auquel ce regard ne s’habituera pas ? Des visages deviennent un peu plus familiers, d’autres restent étrangers, regardés de loin. Le cinéaste filme son pays, sa ville, ses amis avec une distance profonde. Le film se peuple des silhouettes des passants entrevus, filmées à travers les fenêtres. La guerre est là, dans la manière même de regarder. Mais ce qui affleure malgré tout, sous l’alerte aérienne, sous la rumeur sourde des disparitions, c’est aussi un attachement profond pour les choses telles qu’elles furent, pour ces ruines habitées. La voix mécanique que le cinéaste choisit d’utiliser pour nous accompagner à travers son voyage dit sans dire : écran à une émotion qui ne peut être effacée. Une tristesse immense, un monde qui bascule, l’amour qui persiste à travers ce tout a changé. Reste à trouver la justesse.
Clémence Arrivé Guezengar

Rostislav Kirpičenko
Rostislav est né en Lituanie. Enfant, il revient en Ukraine avec sa famille. Il entame une carrière de footballeur professionnel qui l’amène d’abord en République Tchèque et ensuite en Allemagne. En 2016, Rostislav met un terme à sa carrière de footballeur et s’installe à Paris où il fait des études de lettres modernes avant d’intégrer le département réalisation de la Fémis.
Matka Films
Rostislav Kirpičenko
Rostislav Kirpičenko, Hugo Cohen, Ugo Lhuillier
Marie Vettese, Daria Obukhova
Matka Films / helena@matkafilms.com