Inventory
Autrefois symbole du progrès yougoslave, Sava Centar a été laissé à l’abandon depuis l’éclatement du pays. Peu à peu, ce centre de congrès des années 70 est débarrassé de ses aménagements intérieurs. Comme beaucoup de jeunes ouvriers sur le chantier, Nenad est ici pour la première fois.
De ce titre simple, émerge à la fois une forme et une fausse piste. Une forme d’abord, celle d’un rapport filmé aux cadres simples et élégants. Dont le rythme accompagne le désossement du Sava Centar, bâtiment monumental de Belgrade édifié en 1977 qui vit naître le mouvement des non-alignés dont la Yougoslavie était, auprès d’autres pays, à l’initiative. Tout ce qui constituait cet ensemble est à présent séparé. Des ouvriers sont là et dévissent, déplacent, balancent, trient les chaises chromées, les stores, les bureaux, les planches. Mais plus le bâtiment s’allège, plus les plans s’habitent de quelque chose de plus vaste. C’est là qu’est la fausse piste : sobre, observant, le film ne s’accommode pas d’une énumération froide et détachée. Sa forme s’invente ailleurs, derrière l’inventaire réside une narration complexe. À travers les archives qui ponctuent le film, le mobilier témoin donne le sentiment que tout était resté intact, que le bâtiment aurait été prêt à accueillir de nouveau. Pourtant c’est bien son heure mais le film se soustrait à la nostalgie. Le cinéaste procède au contraire à un délicat déplacement vers ce qui vient : des jeunes hommes qui dépècent et retirent au bâtiment sa chair et sa mémoire, un garçon se détache. Il rentre chez lui, présent, il a de concerné ce que le film veut bien faire de lui. Il a la charge de ces images qu’il a lui-même déchargé. Cette société qu’il a débarrassée n’est peut être plus la sienne, or impossible d’effacer de cet individu comme d’aucun autre, que c’est bien de cette société là dont il est l’enfant. C’est à la fois simple et très lourd de démonter un bâtiment.
Clémence Arrivé Guezengar
Ivan Marković
Cinéaste et artiste visuel, son travail récent se concentre sur les diverses conceptions de l’espace et analyse les relations entre l’architecture et l’idéologie.
Diplômé de la faculté d’art dramatique de Belgrade en 2012, il a terminé en 2019 son master en cinéma à l’Université des arts de Berlin. Ces dernières années, il a travaillé en tant que directeur de la photographie sur plusieurs longs métrages, notamment Landscapes of Resistance de Marta Popivoda (Cinéma du réel, 2021), J’étais à la maison, mais… d’Angela Shanelec, qui a remporté l’Ours d’argent 2019.
Il réalise Centar en 2018, puis, avec Linfeng Wu, le court métrage White Bird ainsi que le long métrage From Tomorrow on, I Will.
Il vit et travaille à Berlin et à Belgrade.
Big Time Production
Ivan Marković
Aleksandar Perović
Ivan Marković, Sara Gregorić
Ivan Marković / ivancuns@gmail.com, Big Time Production / teget.jm@gmail.com