Being John Smith

Après avoir enduré de nombreuses décennies de contrariétés, John Smith admet enfin que posséder le nom le plus commun du monde anglophone a eu un impact négatif sur sa perception de lui-même.

John Smith est un nom qui ne désigne personne. Ou plutôt, un nom qui désigne tout le monde. Observation de départ bien ordinaire certes mais éprouvante semble-t-il, pour le cinéaste et homonyme malgré lui dont c’est le nom. Qu’est ce que ce nom qui est aussi celui de tant d’autres et comment mener une existence paisible quand ce qui nous désigne en premier lieu ne désigne personne ? Si la crainte de se perdre dans l’anonymat d’internet recouvert par les John Smith du monde entier semble surmontable par le cinéaste dont l’ironie est souveraine, retracer sa vie est un enjeu plus lourd, plus profond. John Smith déroule un récit autobiographique dont le double jeu est la méthode : le cinéaste accompagne ses archives d’un rigoureux mais drôlatique commentaire et avance par aveux et anecdotes à travers sa quête identitaire. Le texte dit crée des écarts avec ce qui est montré à l’image : l’identité du film, comme celle du cinéaste, se modèle en avançant. Héros impersonnel peut être, mais présent aux choses qu’il traverse, assuré de ses positions politiques, des choix et engagements qu’il a mené. Sans peine mais comme un film qui retrace une vie, le récit s’imprègne d’un air testamentaire. Mais la disparition qui s’annonce, au fond, est aussi celle de tout le monde. Partant du plus grand nombre, des Common People, pour aller vers le plus intime, John Smith se réapproprie son propre nom et revendique ce commun insaisissable qui fait l’étoffe des vies ordinaires. Restera l’image comme preuve et comme présence impérissable. 

Clémence Arrivé Guezengar