Boolean vivarium
Dans une maison isolée du monde, Léo et Nicolas s’attèlent à la création de « Vivarium », un jeu vidéo dans lequel on assiste au pourrissement d’une maison inhabitée. Un jeu qui fait étrangement écho au lieu où les protagonistes peinent à cohabiter.
Si le principe du jeu qu’il a créé est joliment invraisemblable, en filmant son processus de création, Nicolas Bailleul élève l’absurde au carré. À défaut de pouvoir développer algorithmiquement les moisissures dans son jeu, il cultive dans son film la poésie du code. Le travail minutieux des deux programmateurs nous projette dans un univers aux enjeux puissamment métaphoriques : comment rendre la destruction d’un monde la plus belle et la plus ludique possible ? Ce n’est pas de tout repos. Comme des reptiles dans un bocal, ne bougeant que la main droite et les yeux, Léo et Nicolas recherchent avec passion les meilleurs paramètres. Ce travail d’équipe donne lieu à quelques punchlines à mi-chemin entre sens et non-sens (« On fait poussière, moisissure, asticots, et on n’en discute plus ? ») et à une vie fantasmatique délicieusement excentrique, loisible de se fixer sur le brunissement d’un mégot sous les passages répétés des rayons du soleil. Tandis que les protagonistes de ce huis clos prennent douloureusement conscience de leur corps, vient le moment d’installer dans leur décor numérique le cadavre qui doit y pourrir, elephant in the room qui n’avait pas encore été mentionné jusqu’alors. Dans cette perspective mortelle, on comprend mieux leur acharnement à peaufiner leur créature de pixels. Des voix nues formant des harmonies intemporelles nous le rappellent : de part et d’autre de l’Histoire de l’humanité, la mortalité a eu ceci de bon qu’elle nous a encore et toujours poussés à créer.
Olivia Cooper-Hadjian
Lire l’entretien avec Nicolas Bailleul
À travers la réalisation de films documentaires, d’installations et de performances, le travail de Nicolas Bailleul se définit par l’usage, le détournement, la collecte et l’exploration des plateformes, des mondes virtuels, des espaces connectés et des infrastructures du web aux logiques et géographies incertaines. En essayant de montrer concrètement ce qui se joue dans des lieux prétendument irréels, invisibilisés et inaccessibles, il cherche à faire émerger des problématiques contemporaines qui touchent à des questions de création, de sociologie, d’économie et d’écologie. Depuis octobre 2020, Nicolas est doctorant contractuel en recherche et création, ainsi qu’enseignant vacataire au sein du laboratoire AIAC (Université Paris 8), sous la direction de Patrick Nardin (MCF) et en codirection avec Gwenola Wagon (MCF). Il travaille à sa thèse intitulée : “La chambre, création contenue”.
Iliade et Films / Comet Films
Nicolas Bailleul
Nicolas Bailleul, Corvo Lepesant-Lamari, Maxime Roy
Frédéric-Pierre Saget
Pierre Oberkampf
Iliade et Films contact@iliadefilms.fr