Contre le scénario documentaire
C’est une tendance qu’on ne cesse de voir croître depuis quelques années : les processus de financement et de développement du cinéma documentaire incitent les cinéastes à se fondre dans les normes de l’écriture fictionnelle. Les traitements demandés poussent à présenter le ou les personnages, leur induire une trajectoire sociale ou psychologique, anticiper les obstacles, identifier un objectif, délivrer un message… Il s’agit de scénariser le documentaire à partir des grilles de lecture pré-mâchées, à encager préalablement le film.
Il y a dix ans, les Cahiers du Cinéma avaient publié un « Anti-manuel de scénario » qui exposait déjà les impasses et le soubassement idéologique libéral de cette technique du scénario appliquée à la fiction : appauvrissement de l’imagination, linéarité de la narration, impératifs identificatoires, obsession du conflit et de l’individualité… Ce même mouvement touche la production documentaire au risque de faire converger tous les films vers une forme molle, standardisée et littérale.
Or, le cinéma documentaire est précisément l’art d’écrire le réel, de le mettre en crise, d’organiser des regards, de penser les failles et les écarts possibles, pas celui de le rendre conforme et prévisible. Cette Matinale est l’occasion de proposer un désapprentissage des bonnes manières induites par l’académie et l’industrie et d’imaginer, collectivement, des lignes de fuite possibles.
Modérateur : Stéphane Delorme – critique et enseignant, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Intervenants et intervenantes :
- Léa Pernollet, scénariste
— Heidi en Chine de François Yang, 2020
— Là-Haut Perchés de Raphaël Mathié, 2021 - Claire Simon, réalisatrice (sous réserve)
— Apprendre, 2024
— Notre Corps, 2023
— Premières Solitudes, 2018
— Le Concours, 2017
— Le Bois dont les rêves sont faits, 2016 - Gaëlle Jones, productrice, Perspective Films
D’autres intervenants sont encore susceptibles de venir compléter la Table Ronde.