Contretemps
Un carnet de bord, une chronologie qui commence peu de jours avant le soulèvement au Liban en octobre 2019, qui prend corps avec, l’accompagne, s’essouffle avec la pandémie, tente de s’échapper vers les montagnes, se heurte à la perte, jusqu’à l’automne 2023 et l’horreur à Gaza. “Témoin” jusqu’au bout, intimement et collectivement à la fois.
Automne 2019 à Beyrouth. Les rues tremblent jour et nuit des slogans et des chants d’un peuple qui a décidé de convertir son ras-le-bol en enthousiasme révolutionnaire. Ghassan Salhab est dans la foule, au cœur du soulèvement. Jour après jour, manif après manif, sans aucun projet de film, il filme. Parce qu’il est là, soulevé lui aussi. Puis vient le confinement, qui fait retomber l’élan. Puis le port de Beyrouth explose. Puis Israël lance son armée sur Gaza. Automne 2019 – Hiver 2023 : Contretemps est à la fois la chronique d’un désastre collectif et le journal intime d’un homme qui n’a que le cinéma pour s’y opposer, depuis sa solitude. Des dizaines d’heures accumulées dans son téléphone portable, Ghassan Salhab a décidé de faire un film, c’est-à-dire de mobiliser les puissances du montage contre l’impuissance des hommes à s’opposer au temps qui écrase tout sur son passage. Tant que dure le soulèvement, les plans semblent se répéter à l’infini, semblables et différents, la succession des chants déclinant les variations d’une même conscience en devenir, d’une prodigieuse force de création collective. Ce que soulève l’énergie de la rue, c’est le temps lui-même, comme suspendu en l’air. Lorsque les masques apparaissent et que les rues se vident, il reprend son cours. La nuit gagne, les deuils personnels aggravent celui de la possibilité d’un monde commun. La douloureuse beauté du film tient alors à sa mue poétique, de l’épopée collective à l’élégie individuelle d’un homme qui continue de filmer (malgré) l’effondrement, malgré la cécité, l’impuissance qui semble affecter le cinéma lui-même. Filmer et phraser : les mots silencieux s’écrivent à l’écran, à défaut des chants du peuple. Mots échangés dans la nuit avec l’ami palestinien, pour partager ce qui reste : la rage et la colère. (Cyril Neyrat, FID Marseille)
Ghassan Salhab
Né à Dakar, au Sénégal, en mai 1958. En dehors de ses propres réalisations, il collabore à l’écriture de scénarios et enseigne dans différentes universités au Liban. Il a réalisé neuf longs métrages ainsi que plusieurs « essais »
Il est auteur par ailleurs de deux ouvrages : Fragments du Livre du naufrage (2012, Amers Editions) et À contre-jour (depuis Beyrouth) (2021, de l’incidence éditeur), ainsi que différents textes publiés dans différentes revues ou sites spécialisées.
Khamsin Films
La Traverse
Ghassan Salhab
Ghassan Salhab, Victor Bresse
Ghassan Salhab