Je suis déjà mort trois fois
L’acteur et réalisateur Jacques Nolot nous livre, le temps d’une journée, ses récits de désirs, de doutes, de terreur, de ce qui emplit la vie comme ce qui le lie à la mort. La frontière entre le souvenir et le rêve se délite peu à peu.
Hormis le bonheur de retrouver son visage un peu perdu de vue, et sa voix amie, que peut-on espérer trouver dans ce portrait tardif de Jacques Nolot, acteur et cinéaste, qu’il n’aurait lui-même déjà dit ou montré dans ses propres films, et jusque dans ceux des autres (Téchiné, Vecchiali) ? Un contrechamp de réalité non filtrée, pour préciser tout ce que Nolot avait déjà livré, sous couvert de fiction, de sa vie d’ancien gigolo sublimée dans le cinéma, et céder quelques secrets supplémentaires, un peu d’intimité qui restait à confesser, avant de tirer le rideau ? Ou à l’inverse : une coda inattendue, et filmée par un autre pour dire : je vous ai bien eus, ce n’était pas moi, rien que de la fiction déguisée avec mon visage, et me voilà ici comme je suis, corps et âme tout nus, livrés pour vous, cette fois pour de bon ? De fait, le film de Maxence Vassilyevitch s’ouvre sur la blancheur d’un corps presque nu, plié de fatigue, ballonné de vieillesse, qui sort péniblement du lit où il dort seul, enfile un pull jeté par terre la veille puis chemine péniblement, avec son gros ventre d’homme, ses maigres jambes d’homme, vers son petit-déjeuner – mais d’abord : une cigarette. Le film ensuite laisse se dérouler la journée, sans quitter Nolot des yeux, le regardant faire une poignée de choses banales, l’écoutant raconter des souvenirs connus, d’autres non. Ni pareil à ses films, ni tout à fait différent, Je suis mort trois fois soulève une émotion qui repose en partie sur une chose toute bête. Roland Barthes avait décrit Nolot comme une « roulure, mais au sens sémantique du terme »: sans attache, sans lieu, sans repères. Ses films ne disaient rien d’autre, et une question les hantait tous : où peut-on se réfugier, à la fin, quand on a eu cette vie de vagabond ? Je suis déjà mort est allé prendre des nouvelles pour nous. Elles sont bonnes : Nolot est à l’abri, et sous ses paupières tombantes, ses beaux yeux tristes n’ont pas perdu leur éclat.
Jérôme Momcilovic

Maxence Vassilyevitch
Après un master en réalisation à la London Film School, Maxence Vassilyevitch devient lauréat 2014 du G.R.E.C. avec son court-métrage Je suis présent. Il réalise en 2017 Saranac Lake et en 2021, Planète X, un moyen-métrage. Trois films qui forment une trilogie explorant la question du groupe, du « nous » à travers le genre de la science-fiction et le motif du huis clos. En parallèle, il rejoint les Ateliers Médicis pour accompagner la réalisation de trois projets filmiques, Les Archipels, et finalise Midnight Kids, film anniversaire pour les 50 ans du G.R.E.C.
Venin Films
Maxence Vassilyevitch, Anaïs Ruales Borja
Maxence Vassilyevitch, Tiphaine Depret, Eric Thomas, Roman Dymny
Maxence Vassilyevitch, Benjamin Cataliotti, Anaïs Ruales Borja
Venin Films / veninfilms@gmail.com