Le Grand Tout
Comment va le Grand Tout ? Demande Garba à Nicole. Le Grand Tout pour eux deux, c’est la famille, l’Histoire, le quotidien, les étoiles, les bricoles, le temps qui passe comme le vent. En plongeant dans la mémoire de Nicole et de Garba au début de l’indépendance du Niger, nous nous confrontons à la complexité du présent.
Le Grand Tout est peut être l’histoire d’une mémoire qui cherche sa forme. Une mémoire intime, d’abord – celle de la cinéaste –, mais aussi celle, bien plus vaste, d’un pays : le Niger, où Nicole, ethnologue française, blanche, et mère de la cinéaste a travaillé, a appris, a observé et questionné ce qu’elle a observé. C’est ce que fait Aminatou Echard à son tour, en partant sur ses traces, non pas pour reproduire mais pour comprendre. Nicole a laissé des archives, des images, des enregistrements que la cinéaste apporte à Niamey et met en partage à des étudiantes et des étudiants. Ils travaillent et analysent cette matière, la posture de Nicole, ses recherches : concernés par les mécanismes de domination, de colonisation et les relations entre noirs et blancs qu’ils ont en héritage. Le film avance en spirale, par à-coups, trouvailles et par retours afin que le passé trouve son écho dans le présent. Des correspondances de Nicole surgit Garba avec qui elle travaillait : signant ses courriers l’interprète, le commerçant, le menteur, l’enfant, il est l’affranchi avant tout. Il est aussi la liberté – celle que cherchent les étudiants, cette liberté entravée. La transmission ne se fait pas en ligne droite mais par tiraillements. Le Grand Tout donne peu de réponses mais trouve les bonnes questions dans le sens caché des choses, dans ce qui échappe. Chercher c’est accepter de ne pas tout saisir et lâcher prise sur ce qui semble nous appartenir. La cinéaste lâche justement, et sa voix off, expression de sa maîtrise, recule jusqu’à s’effacer. Elle cède jusqu’aux images que les étudiants tournent pour terminer le film par leurs regards. Une histoire commune vacille, pour qu’une autre puisse peut-être advenir dans les brèches.
Clémence Arrivé Guezengar
Aminatou Echard
Après une formation en ethnomusicologie et en cinéma (Master documentaire de Lussas – Ardèche Image) Aminatou Echard réalise des films documentaires et expérimentaux. Elle explore la relation entre son et image. Le travail de terrain est un élément essentiel de sa pratique artistique. A partir de 2006, elle se rend régulièrement en Asie centrale (Kirghizstan, Ouzbékistan et Kazakhstan) où elle recueille de nombreuses images super 8 et sons afin d’explorer les liens particuliers qui se tissent entre les personnes et leur environnement. Elle réalise Esquisses kirghizes un premier court métrage expérimental à partir de cette matière en 2007, puis Broadway, en 2010, un moyen métrage produit par le G.R.E.C. et Djamilia en 2018, un long métrage en super 8, présenté notamment à la Berlinale 2018 et à Cinéma du Réel.
Survivance, Naoko Films, Beata Sabova
Sylvain Dufayard, Aminatou Echard
Gil Savoy
Aminatou Echard, Young Sun Noh
Survivance / carine@survivance.net