Light, Noise, Smoke, and Light, Noise, Smoke
La succession de plans de feux d’artifice filmés lors d’un festival d’été au Japon produit un rythme à la fois caractéristique et organique, ainsi qu’un décalage entre l’image et le son, tous deux produits par les images photographiques reportées sur la bande 16 mm.
Theodor W. Adorno, qui n’aimait pas le cinéma, aimait en revanche beaucoup les feux d’artifice. Il y voyait un modèle pour l’art : pure apparition, parfaitement gratuite et éphémère – l’antithèse d’un art industriel comme le cinéma. Light, Noise, Smoke… est dédié à ces apparitions, à cette dépense géométrique dans le noir avec laquelle le cinéma a tout de même quelque parenté. Il s’agit d’abord, simplement, d’enregistrer le phénomène. Soit : de la lumière, du bruit, de la fumée, puis de nouveau de la lumière… – c’est le titre. Mais cet archivage, comme dans les précédents films de Tomonari Nishikawa, passe par une transformation plastique, cette fois plutôt légère (les explosions/apparitions gardent leurs couleurs et leur tempo) et concentrée dans le montage, avec beaucoup de minutie. C’est qu’il ne s’agit pas de rivaliser avec le génie esthétique anonyme des feux d’artifice, mais plutôt d’investir leur système avec les moyens du cinéma, en leur inventant un temps qui n’est pas le leur, un temps frénétique qui les prive de suspension et transforme leur respiration. Le surgissement continu que le film leur impose en réduisant la trajectoire de chaque fusée, de chaque trainée lumineuse, a des airs de revanche de l’industrie sur l’art éphémère, autant que de fusion parfaite entre deux manières, distantes de quelques siècles, de peindre avec la lumière.
Jérôme Momcilovic
Lire l’entretien avec Tomari Nishikawa
Les films de Tomonari Nishikawa explorent l’idée de documenter une scène dans l’espace public à travers un support et des techniques choisis, tandis que ses performances se concentrent sur le processus de production d’un phénomène visuel/sonore en utilisant des dispositifs analogiques, tels que des projecteurs 16 mm et des projecteurs de diapositives. Nishikawa enseigne actuellement au département cinéma de l’université de Binghamton.