Mange tes morts – Tu ne diras point
Jason Dorkel, 18 ans, appartient à la communauté des gens du voyage. Il s’apprête à célébrer son baptême chrétien alors que son demi-frère Fred revient après plusieurs années de prison. Ensemble, accompagnés de leur dernier frère, Mickael, un garçon impulsif et violent, les trois Dorkel partent en virée dans le monde des «gadjos» à la recherche d’une cargaison de cuivre.
« Chez nous, contrairement au cinéma américain, on ne sait pas donner à croire à ce qu’on montre et en même temps le sublimer. Trop souvent, il n’y a pas d’ambiguïté, que de la caricature : on ne sait pas à la fois proposer quelque chose de crédible, réaliste et le dépasser. Dès que l’on va s’intéresser à une réalité sociale comme celle des communautés voyageuses, on ne sait faire que du cinéma façon Dardenne, verrouillé dans certains codes. Alors que moi, chez les gitans, je vois des épiphanies, des choses qui brillent, que je veux montrer dans un grand écart entre un réalisme crédible et l’enluminure, la sublimation. Comme Gary Cooper débarquant chez les Indiens dans un paysage technicolor. Bien sûr qu’il y a là une emphase qui n’est pas croyable. Mais il faut y voir une vision, un cérémonial, c’est comme une rosace chez les cathos, un reflet artistique de ce que pourrait être le monde ou Dieu. C’est ça qui m’intéresse, et j’ai un peu cette ambition-là : contrairement à la plupart de ceux que je vois dans des films ou des séries télé, mes personnages existent, très fortement. Mais je les filme sous une lumière magique, qui n’existe pas, ou plutôt qui ne se donne pas à voir si facilement dans la vie. Là, seulement, on peut plonger. »
Jean-Charles Hue (entretien avec Julien Gester, Libération, 16 septembre 2014)