Modèle animal

Dans un centre de recherche sur le comportement animal, des humains produisent des expériences étonnantes avec des insectes. La perception que nous avons de ces animaux familiers est petit à petit transformée.

Loin de tout didactisme, l’expérience proposée par Maud Faivre et Marceau Boré relève plutôt d’une phénoménologie : dépourvus d’explications, les gestes des scientifiques filmés ici sont détachés de leur finalité. Les paroles, sporadiques, laissent place à un étrange espace sonore, et une émotion naît des formes, des couleurs et des mouvements en eux-mêmes. Le film prend des airs d’expérience in vitro. Premier effet de ses opérations de prélèvement : l’identification se déporte du côté des animaux. La caméra se place à leur niveau, tandis que l’on ne voit généralement des humains que les extrémités des membres antérieurs. Second effet : les procédures étranges et répétées paraissent extravagantes. Jusqu’où les humains seront-ils prêts à aller pour accroître leurs connaissances ? Le film rend compte d’un paradoxe : l’étude de la cognition des insectes et de leur culture nous amènera probablement à les considérer avec plus de respect, mais elle s’accomplit dans la violence. Mouches, drosophiles et autres bourdons paraissent pris dans des situations inconfortables, lorsqu’ils ne sont pas carrément suppliciés. Les effets de disproportion comiques entre les insectes et les appareils qui les enserrent traduisent une inadéquation : comment combler la distance avec la nature qui nous produit et nous entoure ? Comment entrer en lien avec notre environnement, sans lui faire violence ? Lorsque la caméra prend du recul, on s’aperçoit que les humains aussi sont confinés dans d’étranges boîtes, mais eux ont la chance d’y être entrés librement.

Olivia Cooper-Hadjian

Lire l’entretien avec Maud Faivre et Marceau Boré