Monólogo Colectivo
Au sein d’une communauté de zoos et de centres de soins pour animaux à travers l’Argentine, alors que l’histoire de ces institutions est mise au jour, des travailleurs dévoués s’engagent jour et nuit pour prendre soin des animaux toujours enfermés, favorisant un lien mutuel qui transcende les frontières imaginées entre le monde humain et animal.
De Jessica Sarah Rinland, on reconnaît instantanément la patte. Préhensile, sa caméra fait toujours découvrir le monde à tâtons : par le sol où l’on marche et les mains qui s’avancent, celles qui nourrissent ou traversent les grillages, celles qui enlacent et restaurent, les mains du soin, du contact et de la relation. Avec Monólogo Colectivo, elle poursuit son exploration des relations institutionnalisées entre les humains et le monde naturel. Tandis que Those That, at a Distance, Resemble Another (2019) évoquait la conservation muséologique, son deuxième long-métrage s’intéresse à plusieurs zoos argentins ; et d’abord à ceux qui, nés au cœur des villes à la fin du XIXe siècle, dissimulent leur caractère de plus en plus polémique sous des travaux de rénovations et de nouvelles appellations de bio- ou d’écoparcs. Mais sans omettre de capturer des détails administratifs et architecturaux ayant trait à leurs infrastructures carcérales et à leurs schémas coloniaux fondateurs, l’essentiel passe dans la tendresse de moments d’interaction entre les espèces ; dans l’appréhension des mains et des esprits qui cherchent à inventer la langue de leurs échanges, saisissant au passage la frustration qu’ils suscitent. Des liens significatifs se forment dans le dévouement aux animaux enfermés des gardiens et gardiennes que le film montre, comme dans leurs tentatives de transcender le langage et les frontières entre les animaux. Mais également une tristesse profonde, insondable, qui relève aussi bien d’une condition universelle que de l’esprit du temps. Il ne s’agit d’un film à charge qu’en tant que sa structure ouverte, fragmentée, complexe et précise donne à interroger le regard que nous portons sur le monde, et à méditer notre relation difficile avec le vivant.
Antoine Thirion
Jessica Sarah Rinland
Réalisatrice argentino-britannique, elle a réalisé Sol de campinas (Cinéma du réel 2021), Those That, At a Distance, Resemble Another (Cinéma du réel 2019) Black Pond, 2018, Adeline for Leaves, 2014. Elle est lauréate du prix Schnitzer pour l’excellence dans les arts du Massachusetts Institute of Technology, en 2017. Son travail a été exposé dans de nombreux musées dans le monde. Ses films font partie des collections du British Film Institute.
Square Eyes
Jessica Sarah Rinland, Trapecio Cine
Jessica Sarah Rinland
Philippe Ciompi
Jessica Sarah Rinland
Square Eyes / berry@squareeyesfilm.com