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Numéro Zéro

Jean Eustache
1971 France 107' Français
sam 22
mars
20h00
Saint André des Arts 3
© Jean Eustache _Films du Losange
© Jean Eustache _Films du Losange
© Jean Eustache _Films du Losange

Le Fil du temps. Une table, d’un côté une femme âgée, de l’autre un dos vêtu de noir. Deux valeurs de plan. Une, face à la femme, avec au premier plan l’existence du dos noir. L’autre, plus serrée sur la femme, cadrant pour saisir sa main et ce geste répété de frotter le bout de sa cigarette au fond du cendrier. Un film où celui qui a eu le désir est là, dos à nous. Un film tourné en un jour, en quelques heures, quelques heures de parole continue. le temps suspendu des claps, ces minuscules interruptions nous certifie cette continuité. Une femme est là pour combler le désir du dos noir, une femme, grand-mère du dos noir. Elle raconte sa vie, elle déroule l’avant, l’avant arrivée du dos noir, la matière dont il est issu, cette matière familiale intime. Cette matière ressemble à la matière qui nous façonne tous. Un bloc de temps nous parvient, un temps où le langage populaire avait la grâce vieillotte d’un enseignement respectueux des liaisons et de l’articulation. Un temps où la parole est crue, sans langue de bois, cruelle et généreuse, un temps où la mort se regarde en face, au quotidien, où la vie est rude, où on comptait encore… Elle est belle cette femme qui parle comme une conteuse. Elle parle de ses jours difficiles sans plainte, de ses joies minuscules sans enthousiasme excessif. Une parole musicale, une vieille sirène qui veut faire plaisir à ce dos noir. Le dos noir, un peu lointain, indifférent, enregistre les mots qu’il connaît déjà. Elle, elle vérifie que c’est bien ce qu’il veut entendre. Il ne lui donne pas de réponse rassurante, mais elle continue tout de même. Elle lui déroule le tricot qui mène d’elle à lui et à son fils à lui, Boris, l’enfant entr’aperçu au début du film, ce lendemain inconnu qu’elle aimerait connaître un peu…Le film paraît si simple et il dit tant sur eux, sur nous. Il dit que la fiction serait partout, que l’émotion serait partout et qu’il suffirait d’un homme, un désir, une parole pour faire un grand film… Mais attention derrière il y a Eustache, un homme sans complaisance, avec un désir intime et fort et une femme qui lui offre une parole à la hauteur de ce désir : la valeur ajoutée…

(Marie Vermillard)

« J’ai appelé ce film Numéro Zéro pour montrer que non seulement je partais à zéro, mais que je considérais qu’avant, en ce que j’avais fait, je m’étais trompé. »

J. Eustache, Image et son n°250, mai 1971

Jean Eustache

Né en 1938, Jean Eustache fréquente les réalisateurs de la Nouvelle Vague au début des années 1960 et commence à rédiger des critiques de films. Eustache alterne entre documentaire et fiction. Auteur en marge des canons formels, il travaille à inventer de nouveaux gestes.

sam 22
mars
20h00
Saint André des Arts 3
Production :
Jean Eustache, Luc Moullet
Distribution :
Les Films du Losange
Image :
Philippe Théaudière, Adolfo Arrieta
Son :
Jean-Pierre Ruh
Montage :
Jean Eustache