Ozr el wezzah
Une force céleste pénètre un village pour enquêter sur le sommeil d’un paysan et sur son oie impie. Guidée par le bourdonnement d’un engin spectral, la présence détecte bientôt les fréquences ésotériques d’une réalité spirituelle cachée dans la maison du paysan et sur ses terres.
Sur les chemins du village où se déroule Ozr el wezzah, le temps semble tourner en boucle. L’entrée répétée de deux hommes dans le plan est marquée par une continuité faussée, et par le décalage étrange entre la proximité des voix et la distance des corps à l’image. Par de tels paradoxes, le film sonde la vie spirituelle d’une communauté. D’une cérémonie soufie, il montre d’abord la transe immémoriale, puis se déporte vers les coulisses, les instruments électriques qui l’alimentent. Le sacré et le profane se côtoient et s’entremêlent. Le Coran ne sert pas juste à s’éveiller, mais aussi à s’endormir. À la télévision, un homme recherche une femme disparue ; on pourrait croire que dans le village, il n’y en a jamais eu. La communauté masculine décrite semble régie par des codes qui nous échappent : conversation cryptique en contre-plongée, masse de bateaux-jouets aux voiles noires suspendus dans les airs. Variant les points de vue de façon inattendue, la caméra semble dotée d’une personnalité, siégeant tantôt au milieu d’un chemin, témoin des conversations qui s’y déroulent, tantôt sur le pas d’une porte qu’elle n’ose pas franchir. Parfois même, elle semble prendre la place d’un esprit apparaissant aux yeux d’une personne visitée. Comme dans le rituel religieux, une pulsation vitale résonne, insaisissable, et les morts se perpétuent à travers les vivants. On ne saura pas ce qui a apporté la mort ici, mais l’on devine comment depuis la nuit des temps les humains y ont réagi.
Olivia Cooper-Hadjian
Lire l’entretien avec Mahdy Abo Bahat et Abdo Zin Eldin
Mahdy Abo Bahat et Abdo Zin Eldin, artistes-cinéastes égyptiens originaires du Caire, pratiquent depuis dix ans le son et l’image par le biais d’enregistrements audio sur le terrain et de vidéographie de rue. Leur intérêt pour l’image en mouvement provient d’un besoin de documenter les bouleversements égyptiens en 2011. Aujourd’hui, ils s’engagent dans leur pratique documentaire en assemblant des hantologies qui convoquent des êtres, des mondes et des temps considérés comme immémoriaux par le discours dominant actuel.
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Mahdy Abo Bahat, Abdo Zin Eldin
Mahdy Abo Bahat
Mahdy Abo Bahat
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