Postscript

Les images englouties récupérées au barrage de Karaj en Iran – où le cinéaste français Albert Lamorisse s’est écrasé en 1970 – refont surface. Lors d’une conversation téléphonique, un archiviste iranien spécule sur la mort de Lamorisse et sur la restauration et la diffusion de ses dernières images.

On connait Albert Lamorisse pour son ballon rouge flottant dans le ciel parisien, on sait moins comment il fut finalement rattrapé par la gravité. Invité en 1968 par le Shah à réaliser un film glorifiant l’histoire et le développement florissant de l’Iran, le cinéaste français mourut deux ans plus tard lors de l’une des prises en hélicoptère dont il voulait faire le principe narratif même du Vent des amoureux, ou dans sa version farsi, Bād-e Sabā, du nom d’un vent du nord-est ; le même, peut-être, qui précipita sa chute. Mettant cette histoire en lumière, le travail de Parastoo et Faraz Anoushahpour et Ryan Ferko a d’abord pris la forme d’une installation vidéo multicanal début 2024 à la Mercer Union de Toronto. Tandis que Lovers’ Wind remettait en scène et manipulait des éléments du film original et de la vie de son auteur – notamment, autre fait oublié, qu’il fut l’inventeur du jeu de conquête Risk – pour évaluer son legs et donner un sens nouveau à ses fragments, Postscript combine une conversation téléphonique entre Faraz Anoushahpour et une conservatrice de la Cinémathèque nationale d’Iran et les dernières images tournées par Lamorisse censément sauvées de l’épave. Au fil d’une conversation dont le ton passe de l’interrogatoire à l’investigation et à la spéculation, l’interlocutrice anonyme nomme ses différentes sources, décrit les diverses versions et péripéties, pointe méthodiquement leurs incohérences, si bien que le document parait se défaire dans le réseau historique et symbolique qu’il embrase.

Antoine Thirion