Sauve qui peut
Dans un centre de formation, de vrais soignants et soignantes et de fausses patientes et patients simulent des consultations médicales. Le but de ces jeux de rôles est de développer les qualités humaines des thérapeutes.
Un espace pour essayer des choses qui paraissent impossibles : ainsi est décrit le jeu de rôles par lequel des soignants tentent de résister par l’imagination à un système invivable. Après avoir elle-même mis en place des dispositifs de déplacement par lesquels des femmes s’appropriaient l’expérience d’une autre dans Sans frapper, Alexe Poukine documente ici des pratiques similaires déployées pour soutenir des soignants abîmés. La scène marque rétroactivement celles vues auparavant : l’attention et l’écoute que l’on tente d’inculquer aux étudiants en médecine par des simulations sophistiquées trouveront-elles un espace où s’exercer ? Alors que l’on prend le temps d’apprendre aux étudiants à questionner sans préjugés, à dire clairement sans heurter, les praticiens en activité décrivent une jungle où chacun en est réduit à tenter de survivre psychiquement, en faisant le moins de mal possible autour de soi. La formation initiale met en avant l’ouverture, mais les propos des soignants décrivent un horizon bouché. L’opération cruciale du film réside dans la mise en relation de ces deux temps et deux états du métier. Entre eux réside l’inconcevable réalité d’un système de santé marchant sur la tête, créant le mal à mesure qu’il soigne, hors champ aveuglant de Sauve qui peut. L’évocation des suicides d’internes par un formateur l’énonce cruellement : la collision entre le possible et le réel pourrait avoir de tragiques conséquences
Olivia Cooper-Hadjian
Lire l’entretien avec Alexe Poukine
Née en 1982, Alexe Poukine vit à Bruxelles. En 2006, elle s’installe en Jordanie pour préparer une thèse qu’elle abandonne pour entrer à l’école documentaire de Lussas. Petites Morts, son film de fin d’études, est sélectionné dans plusieurs festivals internationaux. En 2011, la FNAC lui donne carte blanche pour un projet photographique qui aboutit à une exposition et au livre Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Son premier long-métrage documentaire, Dormir, dormir dans les pierres, est projeté en 2013 dans de nombreux festivals. Cette même année, elle entre à l’Atelier Scénario de la Fémis. Achevé en 2019, Sans frapper, son second long-métrage documentaire gagne de nombreux prix dans des festivals prestigieux. En 2020 son court métrage de fiction Palma remporte entre autres distinctions le Prix Spécial du jury à Clermont et le Grand Prix à Brive.
Kidam, Wrong Men, Andana Films, Climage
Andana Films
Hélène Motteau, Camille Sultan, Jorge Piquer, Rodriguez, Camille Langlois
Thomas Grimm Lansberg
Agnès Bruckert
Climage - pascaline@climage.ch