Sous les feuilles
Le cyclone Dean a retourné le sol de la Martinique : un cimetière d’esclavisés a resurgi. À l’hôpital psychiatrique se formule l’idée d’associer ce dernier à une démarche curative inédite. Le film entremêle la parole des vivants, le soin des corps, l’empreinte coloniale et le récit des plantes.
C’est un jardin et c’est un cimetière. On peut y venir par la route et croiser l’histoire coloniale de l’île, là une maison de maître, ici les ruines d’un hôpital psychiatrique. On peut y venir par la forêt et y entendre le récit des plantes, y retrouver les savoirs enfouis et les pratiques secrètes des thérapies traditionnelles. On peut y arriver par le chemin de la graine du Barringtonia qui flotte sur les eaux et charrie avec elle les souvenirs de la tempête, celle-là même qui permit justement de découvrir sur ce pan de terre au bord de l’eau, les sépultures des esclavagisés et des premiers habitants de la Martinique, les Arawaks. Le film parcourt ces chemins successivement, des chemins qui se croisent et obligent à quelques détours. Sa trajectoire est une ligne sinueuse, mais peu à peu elle fait réapparaître en même temps et l’empreinte coloniale et les cultures ancestrales qui font la Martinique aujourd’hui. Et ce faisant nous ramène sans cesse à cet endroit-là, à la fois jardin et cimetière. Peut-être est-ce là que bat le cœur secret de l’île. Lieu de la connaissance, lieu où le passé ressurgit et où, porté par les récits, le paysage apaise les esprits des vivants comme des morts. Car c’est bien l’apaisement que tous pourraient venir chercher sous le Barringtonia qui a poussé là. Cet arbre qui à travers l’œil creusé dans son écorce porte un regard bienveillant sur les hommes, à moins que ce ne soit une bouche à travers laquelle il murmure son histoire à qui vient se recueillir là.
Catherine Bizern
Florence Lazar est une réalisatrice et plasticienne française. Depuis 20 ans, ses vidéos, installations et photographies sont exposées dans les musées et centres d’art contemporain en France et à l’Étranger. En 2019, le jeu de Paume lui a consacré une exposition personnelle. Elle enseigne à l’École Supérieure d’Art et de Design de Grenoble-Valence depuis 2005.
Ses œuvres s’attachent à révéler l’émergence d’une parole, les gestes d’un individu dans un contexte géographique et social particulier. Le recours à l’enquête historique et la notion de transmission de l’histoire sont les vecteurs de son travail.
Ses films documentaires construisent des narrations dans lesquelles se déploient les récits subjectifs face à l’autorité de l’Histoire.