Stone, Hat, Ribbon and Rose

Une carte se déploie sur une table et nous parcourons en plans fixes les lieux publics de Bruxelles. Un message cinématographique adressé à la cinéaste Chantal Akerman.

Faut-il vraiment préciser que ce film, tourné à Bruxelles dans des lieux nombreux à différentes heures du jour et de la nuit, a germé au sein d’un projet collectif dédié à Chantal Akerman ? L’adresse est évidente, soulignée par le choix d’une ville qui vaut tous les indices, par la gracieuse précision des cadres, et par le principe même de l’adresse, tant il est vrai qu’Akerman a réalisé les films les plus adressés qui soit (des films faits comme on envoie des lettres, disait avec justesse Serge Daney). Mais ce modeste et bel exercice d’admiration repose évidemment sur tout autre chose qu’un talent de copiste. Dans ce Bruxelles-là, aucun jeu de piste à parcourir qui mènerait à celui d’Akerman, à des plans de Jeanne Dielman ou Toute une nuit. Le film paraît même, malicieusement, lorgner plutôt les films tournés ailleurs : les quais de métro bruxellois sont regardés comme ceux new-yorkais de News from Home, un hall évoque le décor russe de D’Est, un musée fait revenir La Captive…  En captant aux quatre coins de Bruxelles un peu de ce temps anodin et liquide qui fut la matière des films d’Akerman, Stone, Hat, Ribbon and Rose saisit moins des clichés qu’une respiration, un souffle qu’il s’agirait de prolonger un peu, des jours et des nuits de cinéma qu’on rallonge d’une poignée de minutes pour y retrouver, devant chaque chose, l’étonnement de voir pour la première fois. 

Jérôme Momcilovic