Stream-Story

Dans la vallée de Kangra, dans l’Himachal Pradesh, un ancien réseau de kuhls, des canaux construits à la main, acheminent les eaux. Les kohlis, les « maîtres de l’eau », luttent pour protéger ce patrimoine, gardiens d’un mode de vie où l’eau coule en même temps que les contes populaires, les mythes et les arts locaux.

On ne s’explique toujours pas qu’une quarantaine de films, plus d’une fois célébrés par les festivals et par des spectateurs éblouis, n’aient pas suffi à sortir l’œuvre de l’indien Amit Dutta de sa relative confidentialité. Pour qui ignore encore son nom, ce nouveau court métrage sera l’occasion d’un rattrapage. Quant aux autres, qu’ils n’aient vu de lui qu’un film ou bien les quarante, ils retrouveront là des impressions familières : le vent qui siffle entre les montagnes, l’eau qui ruisselle toujours quelque part, et surtout cet art mosaïque absolument singulier (parfois rapproché de celui de Paradjanov) dont l’inspiration fait feu de tout bois – avec toutefois cette contrainte fertile de tourner uniquement dans la vallée de Kangra, guidé par ses légendes et par la parole des artistes, artisans, ingénieurs, qui la peuplent, vivants ou morts). Le titre et le sujet de ce dernier film offrent un bon résumé de l’art d’Amit Dutta : c’est une histoire de flux. Chez lui, tout procède par ondulations, détournements de cours (de parole, d’histoire), variations de débit : tout renvoie à la vie d’un ruisseau. À commencer par le montage, son rythme proprement liquide, sa manière toujours inattendue de passer d’une chose à l’autre, parfois s’attardant (pour écouter le vent, pour regarder tomber des gouttes d’eau), parfois aussitôt happé par une nouvelle chose, comme guidé par l’émerveillement impatient d’un enfant. Par ailleurs, Stream-story est un documentaire passionnant sur l’aménagement des cours d’eau dans l’Himalaya.

Jérôme Momcilovic

Lire l’entretien avec Amit Dutta