Les Cahiers du réel #5 sont en ligne
Édito de Catherine Bizern
« Qu’est-ce que le documentaire ? Ou plutôt, dans ce territoire du cinéma qu’il partage avec la fiction, qu’est ce qui en fait la spécificité ? La question n’est pas tout à fait une question qui demande une réponse, c’est plutôt le motif autour duquel chaque édition de Cinéma du réel se construit. Non pas dans la répétition d’édition en édition mais dans la variation, la réinterprétation, voire la remise en question. Face à cette idée simple communément partagée d’un cinéma du réel, fenêtre sur le monde, qui rend compte de la réalité nous avions envie pour la 45e édition du festival de proposer des œuvres qui font vaciller ces notions. Avec la conviction que le cinéma peut être – comme l’écrit Walter Benjamin – une entreprise de pénétration intensive du réel et devenir le lieu de la contre-histoire. C’est une question de mise en scène et de représentation. »
Olivier Zabat – Moins par moins par Philippe de Jonckheere
« Naturellement je concède au cinéma documentaire de tenter, par tous les moyens, pas du tout aussi puissants les moyens ― en tout cas, pas industriels comme ceux des grandes usines à fiction ―, d’échapper à une telle hégémonie, mais, je préfère le dire, je reste et demeure méfiant. Entièrement sur mes gardes.
Et puis, de temps en temps, il se passe ceci. Ou cela.
Ceci ce serait la séquence suivante d’Arguments d’Olivier Zabat, plongée vertigineuse dans le monde de celles et ceux qui entendent des voix, comme on dit. Un homme, Chris, dont on a vu et entendu, quelques séquences en amont, qu’il milite contre toutes les formes de ségrégation et d’ostracisation en donnant des conférences dans lesquelles il ne s’épargne guère pour y donner corps, alcoolique repenti, il dit vivre aussi dans la compagnie de voix, certaines pas excessivement bienveillantes avec lui et dont il doit se protéger du harcèlement constant : un Mensch, un vrai. »
Jean-Pierre Gorin : le printemps du réel (Le groupe Dziga Vertov …et après !) par David Faroult
« Mieux vaut ne pas être dupes de l’apparente désinvolture de l’expression. Elle n’empêche pas la profondeur du propos et éventuellement y contribue par le choix de sa forme. Ses propos, sincères jusqu’à l’impudeur, sont souvent plus doux qu’ils n’en ont l’air. Jean-Pierre Gorin est peu avare en autodérision sur les difficultés éprouvées pour faire son cinéma et le faire connaitre (« si vous attendez suffisamment longtemps : il y a quelques déments du type : les programmateurs du cinéma du réel, qui viennent vous trouver… »). Mais aussi, à juste titre : las et plus que cela d’être vu comme « l’homme qui a vu l’ours » et que son œuvre soit réduite à sa collaboration avec Jean-Luc Godard dans les années du groupe Dziga Vertov (1969-1973). Alors même que ce qui anime tous ses films suivants doit sans doute davantage à une critique vive de cette période qu’il ne renie pas pour autant : « si j’avais à savoir où j’arrive, je ne ferais pas le film ». Héritage de sa fructueuse rencontre avec Manny Farber qui théorisa « l’art termite » contre « l’art éléphant blanc » et lui ouvrit les portes d’une carrière universitaire dans la prestigieuse université de San Diego. »
Toute une nuit, hommage à Marie-Pierre Duhamel par Catherine Giraud
« Grande programmatrice, Marie-Pierre Duhamel-Müller fut déléguée générale de Cinéma du réel de 2005 à 2008 mais elle fut bien plus que cela.
C’est à la formidable passeuse qu’elle était que nous rendons hommage cette année à travers une programmation emblématique de ses choix et de ses découvertes. Une nuit pour nous rappeler sa curiosité, son érudition, son inspiration et son humour. »
Marie-Pierre Duhamel: In Memoriam and Gratitude par Amit Dutta
« I think not many people realise the importance of such extraordinary curators in a filmmaker’s journey. They remain mostly behind the scenes and work hard to understand and appreciate the specific socio-cultural and psychological nuances and even eccentricities of the filmmakers, opening many doors for broadening the works themselves. In a way, they expand the film on behalf of the filmmaker, remaining almost invisible or non-reactive like alchemical channels and universalizing a personal, subjective creative process, making both the filmmaker and the audience grow larger through mutual association. What an achievement! »
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