Les Cahiers du réel #6 sont en ligne
Édito de Catherine Bizern
« Nous faisions le vœu d’un festival comme lieu de contre-histoire, je dirais aujourd’hui un lieu pour désapprendre. Désapprendre : ce mot que je retrouve dans une page de Godard où il écrit “l’idéologie bourgeoise et réactionnaire moderne fonctionne en montrant comme réel ce qu’elle produit comme fiction”, qui résonne fortement avec cette phrase de Yassin al Hal Saleh, écrivain et essayiste syrien : “nous ne reconnaissons ce qui est caché et absent que si nous nous débarrassons d’un savoir qui cache et absente”. »
Préoccupation Palestine par Saad Chakali et Alexia Roux
« Il y a beaucoup de films, et si peu de cinéma. La Palestine existe en idée, son territoire est toutefois morcelé, épars son peuple quand il n’est pas comme à Gaza massacré dans des proportions telles que le nettoyage ethnique s’apparente désormais à une entreprise génocidaire. S’orienter dans l’existence, et la pensée qui en trame la sensibilité, c’est ainsi tenir au cinéma comme idée dont les films restent à faire. C’est autant tenir à la Palestine comme métaphore, comme l’orient proche d’un transport en commun que n’importe qui peut emprunter, dans le souci de la dignité, de la justice et de l’égalité, et dont la réalité est ce qui reste, à venir – contre l’apartheid israélien, un état commun. »
Carte postale par Nicolas Klotz
Claudia von Alemann : portrait de la cinéaste en détective par Pierre Gras
« La réunification de l’Allemagne ouvre à la cinéaste un nouvel horizon de recherche vers les traces de son propre passé. À travers plusieurs films, elle enquête sur la ville d’origine de sa mère, auparavant située en Allemagne de l’Est. Enfin un film récapitulatif sur la vie d’une femme photographe La Femme à la caméra sera presqu’un film autobiographique puisque Claudia von Alemann manifestement y relit sa vie à l’aune de celle d’Abisag Tüllmann. »
Pour des histoires féministes du cinéma par Teresa Castro
« Les histoires féministes du cinéma concernent différentes entreprises. Il s’agit, bien sûr, d’étudier la participation des femmes dans le cinéma, en tant que créatrices, artisanes, médiatrices, sujets, spectatrices, théoriciennes, critiques, etc. Cette tâche est cruciale et n’a rien de simple. Mais les histoires féministes font bien plus que sauver de l’oubli : elles s’interrogent sur les raisons de cet oubli, nous aidant à une compréhension plus globale de l’absence des femmes dans l’histoire. Cette question se trouve au cœur du film-enquête de Raphaël Pillosio, Les Mots qu’elles eurent un jour (2024). Lorsque des prisonnières politiques algériennes détenues en France sont libérées en 1962, le cinéaste Yann Le Masson part à leur rencontre, les interrogeant sur leur expérience politique et leurs espoirs pour l’Algérie indépendante. Longtemps disparues, ces images réapparurent mystérieusement un jour devant la péniche de Le Masson, amputées de leur bande-son. La parole (dérangeante parce que trop libre ?) de ces femmes leur avait été ôtée. Pillosio part à sa recherche. »
Continuum de documenta 14 à documenta fifteen par Pierre Bal-Blanc
« On retrouve de nombreux points communs entre documenta 14 et documenta fifteen qui permettent de comprendre cette nouvelle séquence, encore ouverte, comme une tentative de réforme d’une manifestation en prise avec des forces conservatrices qui ne cessent d’en contrarier le déroulement. La documenta 14, avec la nouvelle impulsion que la manifestation a opéré dans les rapports Sud-Nord et auprès des artistes hors marché venus d’horizons culturels marginalisés et inédits, aura sans aucun doute ouvert la voie pour que la documenta fifteen soit conduite par un collectif extra-occidental. La comparaison ne s’arrête pas là, car beaucoup des stratégies identifiées au cours de la documenta fifteen, de contournement des canons muséographiques, de réforme des standards de production des œuvres et des commissariats des expositions, ont été expérimentées pour la première fois lors de la documenta 14. Mais ce qui pour le commissariat de la documenta 14 était de l’ordre de l’expérimentation, devient avec la documenta fifteen une mise en pratique dans la réalité qui sur certains aspects dépasse largement en intensité l’édition précédente. »
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