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Front(s) populaire(s)

Nous avons longtemps pensé que l’histoire travaillait avec la liberté et l’égalité pour horizon et qu’il s’agissait de mettre en place les conditions qui rendraient libre les individus. Aujourd’hui il n’est peut-être plus temps d’attendre une pseudo grande victoire finale. Entre catastrophe écologique et violence de l’ultralibéralisme, la révolution est peut-être question de sensibilité et combat individuel contre la servitude, où il s’agirait de répondre de soi-même pour vivre ensemble. 

Rompre la servitude : c’est autour de ce combat où la recherche de la liberté peut aussi devenir un formidable moteur de changement au présent que nous avons construit notre programmation Front(s) populaire(s) cette année. 

Rompre la servitude c’est déjà regarder la vie en face, c’est faire un saut d’une vie à l’autre dans le temps présent, ici et maintenant. C’est bien ce désir d’une vie nouvelle qui meut Benoît et ses amis protagonistes de Pédale rurale. Ce désir d’une vie nouvelle partagé par les jeunes russes exilés de Dom qui, comme les activistes Marcia Tiburi et James Wyllys de Chansons d’exil, mis en danger par les forces dominantes de leur pays, ont dû le quitter.  Mais l’exil ne les figent pas pour autant, ils inventent. Tandis que l’action politique leur est interdite, tout est bon pour agir autrement, la culture, la créativité, l’amitié, l’amour. Cette liberté-là que construisent  Marcia Tiburi et James Wyllys dans leur exil, Joana Dos Reis et sa conjointe Alice tentent de l’expérimenter en plein confinement dans Nos esprits sont comme occupés et c’est aussi cette quête que poursuit Emmanuelle Bidou tout au long du cheminement dont son film Il a suffi d’une nuit est le récit. Car la liberté c’est imaginer que les choses peuvent être autrement, sortir d’un schéma établi, refuser la répétition, et c’est dans ce même mouvement que s’inscrit Colosal, enquête personnelle et politique de Nayibe Tavares Abel, à la fois sur son pays et sa famille, deux histoires intimement liées.

Le personnel est politique, il est aussi global : les histoires des individus retenus par l’administration française ou belge dans des camps pour défaut de titre de séjour, que relatent From Afar et Devant – Contrechamp de la rétention incarnent les abus d’un système dominant. Ce même système qui enferme les « sans-papier », confine tout un pays et finalement déguise Paris en parc d’attraction pour touristes le temps des Jeux Olympiques comme le donne à voir J’entends que les sirènes de Donatienne Berthereau.  

Les films rassemblés ici participent de la critique de ce système dominant et mettent à jour la corruption, la violence d’État, les lois liberticides, les mensonges de nos gouvernants, les injustices sociales, les persécutions et ostracisations. Mais surtout ils disent que face à cela, quand on pourrait se sentir démuni, la liberté c’est persister à être vivant. Et comme l’écrit Marcia Tiburi à son ami : la joie est une force révolutionnaire, vivre est une réponse !

Catherine Bizern